BBC : Fethullah Gülen se dit le bouc-émissaire d'Ankara

Fethullah Gülen

L'intellectuel musulman turc Fethullah Gülen dément avoir donné des consignes à des policiers et à des procureurs dans le cadre de l'enquête pour corruption qui a ébranlé le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, et estime que son mouvement, Hizmet, est devenu le bouc-émissaire des autorités.

Lors de la première interview télévisée qu'il ait accordée depuis 16 ans, cet homme écouté déclare à la BBC que Recep Tayyip Erdogan semble avoir été induit en erreur par certains de ses collaborateurs.

Trois ministres ont démissionné et plusieurs hommes d'affaires proches d'Erdogan ont été arrêtés dans le cadre de cette affaire de corruption, qui a tourné à l'affrontement publique entre le Premier ministre et Fethullah Gülen, dont les sympathisants se compteraient par millions.

Recep Tayyip Erdogan estime que l'enquête pour corruption en cours relève d'un coup de force judiciaire ourdi par un "Etat parallèle", allusion au mouvement Hizmet ("Service"), qui exercerait une grande influence sur la police et l'appareil judiciaire.

"Je pense qu'il y a autour de lui un cercle de caciques qui déforment les choses", dit Gülen dans l'interview, diffusée lundi et réalisée à son domicile en Pennsylvanie, où il s'est exilé en 1999.

L'intellectuel musulman âgé de 72 ans nie avoir mis en place un "Etat parallèle" et fait remarquer que les milliers de policiers et de procureurs limogés par le gouvernement Erdogan n'appartiennent pas tous au mouvement Hizmet et sont issus de milieux politiques et idéologiques très divers.

"Il y a parmi eux des nationalistes, par exemple. Mais dans le but d'exagérer le problème, d'accréditer l'idée d'un Etat parallèle qui a tout infiltré, ils disent que les personnes qu'ils ont limogées partagent tous les mêmes idées, les mêmes sentiments", déclare Fethullah Gülen.

Le gouvernement turc assure ne pas être à l'origine de la purge opérée au sein de la police et de la magistrature depuis le 17 décembre, jour où a éclaté l'affaire de corruption, mais quoi qu'il en soit, ces destitutions ou mutations ont pour ainsi dire bloqué l'enquête en cours.

Selon les médias turcs, les mandats d'arrêt visant 45 personnes, dont le propre fils du Premier ministre, ont été annulés par les procureurs nouvellement promus.