Pourquoi le Prophète était-il polygame?
Il se peut que l'attitude et les actions de sa famille et de ses proches l'aient poussé à nourrir une haine profonde et un grand désir de vengeance contre les musulmans. Or trois jours avant l'apparition du Prophète devant la citadelle de Khaybar, Safiyya vit en rêve une lune brillante venant de Médine et se dirigeant vers Khaybar, puis tombant sur ses genoux.
Certains critiques de l'islam montrent le Prophète comme un libertin complaisant envers lui-même. Ils l'accusent d'une faiblesse de caractère qu'on ne verrait même pas chez un homme de vertu moyenne, et encore moins chez un être qui est Prophète, Dernier Messager de Dieu et meilleur modèle à suivre pour l'humanité. Cependant, en se basant sur ses innombrables biographies accessibles à tous et sur les narrations authentifiées de ses paroles et de ses actes, il est évident qu'il a vécu une vie très disciplinée, et que ses mariages faisaient partie des nombreux fardeaux qu'il portait en tant que Dernier Messager de Dieu.
Les raisons de ses mariages sont diverses. Mais elles se rapportent toutes à son rôle de dirigeant de la communauté musulmane et à sa responsabilité de guider les nouveaux musulmans aux normes et aux valeurs de l'islam.
Quand Mohammed était âgé de 25 ans, avant de recevoir sa future mission, il se maria avec Khadija, sa première épouse. Malgré le milieu culturel où il fut élevé, sans mentionner le climat et les autres facteurs tels que sa jeunesse, le fait qu'il ait eu une réputation d'homme parfaitement chaste, intègre et loyal relève de l'extraordinaire. Dès le début de sa Prophétie, il se fit des ennemis qui n'hésitèrent pas à inventer des calomnies contre lui – mais aucun d'eux n'osa jamais compromettre son passé.
Khadija était de 15 ans son aînée. Ce mariage était très important et exceptionnel aux yeux de Dieu et du Prophète. Pendant 23 ans, leur vie fut une période de contentement ininterrompu dans une parfaite fidélité. Or durant la huitième année de la Prophétie, Khadija décéda, laissant le Prophète comme seul parent de leurs enfants pendant quatre ou cinq ans. Même ses ennemis étaient forcés d'admettre que, même pendant ces années-là, ils ne pouvaient trouver aucune faille dans son comportement. Le Prophète ne prit aucune autre épouse du vivant de Khadija, bien que l'opinion publique le lui permît. Quand il commença à épouser d'autres femmes, il avait déjà plus que 55 ans, un âge très avancé pour l'époque, où presque tout désir charnel a déjà disparu.[65]
Comment un Prophète pourrait-il être polygame? Cette question est souvent posée par des gens irréligieux ou par les juifs et les chrétiens. En ce qui concerne le premier groupe, ils n'ont aucun droit de faire des reproches aux gens qui mènent une vie religieuse. Leur conduite envers le sexe opposé n'est dictée que par leurs désirs, quoi qu'ils disent. Ils ne se soucient pas des conséquences que de telles liaisons peuvent avoir sur eux, sur les enfants qui en résultent, ou comment leur comportement de débauchés affecte les jeunes en général. En se croyant libres, ils s'engagent dans des pratiques condamnables telles que l'homosexualité et, pire encore (mais j'espère plus rare), l'inceste, la pédophilie et la multiplicité des partenaires hommes ou femmes (où le vrai père de l'enfant est inconnu). De tels individus ne critiquent le Prophète que pour traîner les autres dans les abîmes de leur propre bassesse.
Les juifs et les chrétiens qui attaquent le Prophète à cause de sa polygamie le font par crainte, par haine et par jalousie de l'islam. Ils oublient que les grands patriarches juifs, appelés Prophètes dans la Bible et dans le Coran, et vénérés par les adeptes des trois religions comme des exemples d'excellence morale, avaient tous pratiqué la polygamie dans une bien plus grande mesure.[66]
La polygamie n'a pas commencé avec les musulmans. D'ailleurs, dans le cas du Prophète, cette pratique a bien plus de signification que ce que les gens perçoivent généralement. Dans un sens, le Prophète a été obligé d'être polygame afin de pouvoir transmettre sa Sounna (les statuts et les normes de la loi islamique). Puisque l'islam recouvre chaque aspect de la vie, les relations conjugales privées ne peuvent pas demeurer exemptes. Par conséquent, il faut des femmes qui puissent guider les autres femmes sur ces sujets. Il n'est pas question ici de recourir aux insinuations et aux allusions. Les femmes chastes et vertueuses du foyer du Prophète étaient responsables de l'explication des normes et des règles de ces sphères privées aux autres musulmans.
Certains mariages du Prophète eurent lieu pour des raisons spécifiques :
- Comme ses épouses étaient de différents âges – jeunes, d'âge moyen, et âgées – les exigences et les normes de la loi islamique pouvaient être exemplifiées par rapport aux différentes étapes de la vie d'une personne et de ses expériences. Ces règles islamiques étaient apprises et appliquées d'abord dans le foyer du Prophète, puis transmises aux autres musulmans par ses épouses.
- Chaque épouse était d'un clan ou d'une tribu différente, ce qui permit au Prophète d'établir des liens de parenté et d'affinité à travers toute la communauté musulmane qui était en expansion rapide. Cela eut aussi pour effet d'engendrer une affection profonde pour lui parmi tous les musulmans, créant et assurant de ce fait l'égalité et la fraternité d'une manière très pratique et sur la base de la religion.
- Chaque épouse s'avéra d'une grande utilité et servit beaucoup la cause de l'islam, aussi bien avant et qu'après la mort du Prophète. Elles transmirent son message et l'expliquèrent à leurs clans : l'expérience extérieure et intérieure, les qualités, les manières et la foi de l'homme dont la vie était la personnification du Coran – l'islam en pratique. De cette façon, tous les musulmans apprirent le Coran, le Hadith, l'interprétation et le commentaire coraniques, et la jurisprudence islamique, et devinrent ainsi parfaitement conscients de l'essence et de l'esprit de l'islam.
- Par ses mariages, le Prophète établit des liens de parenté dans l'ensemble de l'Arabie. Ceci lui donna la liberté de se déplacer et d'être accepté en tant que membre de chaque famille. Comme ils le considéraient comme un des leurs, ils sentaient qu'ils pouvaient aller chez lui en personne et l'interroger directement au sujet de l'ici-bas et de l'Au-delà. Les tribus avaient également profité collectivement de leur proximité à lui : ils se considéraient bienheureux et ces rapports étaient un honneur pour eux. On compte parmi ces tribus « parentes » par alliance les Omeyyades (par Oumm Habiba), les Hachimites (par Zaynab bint Jahsh), et les Bani Makhzoum (par Oumm Salama).
Ce que nous avons dit jusqu'ici est général et pourrait, à certains égards, être vrai pour tous les Prophètes. Nous allons maintenant présenter de brefs portraits d'Oummahat al- Mou'minin (les Mères des Croyants), non pas dans l'ordre de mariage mais à partir d'une autre perspective.
Khadija fut la première épouse du Prophète. Comme mentionné plus tôt, elle l'épousa avant le commencement de la Prophétie. Bien qu'elle fût de 15 ans son aînée, elle donna naissance à tous ses enfants, excepté Ibrahim, qui mourut durant la petite enfance. Khadija était également son amie, elle partageait totalement ses inclinations et ses idéaux. Leur mariage était merveilleusement béni, car ils vécurent ensemble en parfaite harmonie pendant 23 années. Elle était sa plus chère compagne et aide durant chaque épreuve et chaque persécution lancée par les incroyants mecquois. Il l'aima profondément et n'épousa aucune autre femme durant sa vie.
Ce mariage fut un idéal d'intimité, d'amitié, de respect mutuel, de soutien et de consolation. Bien qu'il fût fidèle et loyal envers toutes ses épouses, il n'oublia jamais Khadija et mentionnait très souvent ses vertus et ses mérites. Il ne se remaria qu'après 4 ou 5 ans après sa mort. Jusqu'à ce momentlà, il servit de mère et de père à ses enfants, leur fournissant leur nourriture et leurs provisions quotidiennes ainsi que le soutien nécessaire en cas d'ennuis et de difficultés. Prétendre qu'un tel homme fût un sensuel, poussé par le désir sexuel est absurde.
Aïcha était la fille d'Abou Bakr, son plus proche ami et son Compagnon le plus dévoué. L'un des premiers convertis, Abou Bakr avait longtemps espéré sceller par un mariage l'attachement profond entre lui et le Prophète. En se mariant avec Aïcha, le Prophète accorda le plus grand honneur qui fût à un homme qui avait partagé avec lui ses bons et ses mauvais moments. De cette manière, Abou Bakr et Aïcha acquirent la distinction d'être proches du Prophète, à la fois spirituellement et physiquement.
Aïcha s'avéra une femme particulièrement intelligente et sage car elle avait la nature et le tempérament qu'il faut pour continuer le travail de la mission prophétique. Son mariage la prépara à être un guide spirituel et une enseignante pour toutes les femmes. Elle devint l'un des principaux élèves et disciples du Prophète. Grâce à lui, comme beaucoup de musulmans de cette époque bénie, ses qualités et ses talents se développèrent et se perfectionnèrent tant et si bien qu'elle put le rejoindre dans la demeure du bonheur en tant qu'épouse et élève.
Sa vie et son service pour l'islam montrent qu'une personne si exceptionnelle était digne d'être l'épouse du Prophète. Elle était l'une des plus grandes autorités dans le domaine du hadith, un excellente exégète du Coran, et l'experte la plus distinguée et la plus versée en loi islamique. Elle représentait parfaitement les qualités et les expériences intérieures et extérieures du Prophète Mohammed. C'est sûrement pour cette raison que le Prophète fut informé dans un rêve qu'il se marierait avec Aïcha. Ainsi, alors qu'elle était encore innocente et ne savait rien des hommes et des affaires de ce monde, elle était préparée et entra dans le foyer du Prophète.
Oumm Salama, du clan Makhzoum, fut d'abord mariée à son cousin. Le couple avait embrassé l'islam dès son commencement et avait émigré en Abyssinie pour fuir la persécution. Après leur retour, ils émigrèrent à Médine avec leurs quatre enfants. Son mari avait participé à beaucoup de batailles et décéda après avoir été sévèrement blessé durant la Bataille d'Ouhoud. Vu ses besoins et ses souffrances en tant que veuve démunie avec des enfants à élever, Abou Bakr et Omar lui offrir de l'épouser. Elle refusa, croyant que personne ne pourrait être aussi bien que son défunt mari.
Plus tard, le Prophète lui fit une proposition de mariage. Cela était très juste et naturel car cette noble femme, qui n'avait jamais fui les sacrifices et les souffrances pour l'islam, était désormais seule après avoir passé de nombreuses années parmi le clan arabe le plus noble. Il ne fallait pas la négliger et la laisser mendier sa subsistance. Considérant sa piété, sa sincérité et tout ce qu'elle avait souffert, elle méritait d'être aidée. En l'épousant, le Prophète faisait ce qu'il avait toujours fait depuis sa jeunesse, à savoir offrir son amitié à ceux qui n'ont pas d'amis, soutenir ceux qui ne reçoivent pas de soutien et protéger ceux qui sont sans protection. Dans les circonstances dans lesquelles elle se trouvait, il n'y avait pas de moyen plus gentil et plus noble de lui venir en aide.
Oumm Salama était aussi intelligente et comprenait très vite. Elle avait toutes les qualités et les dons pour devenir un guide spirituel et une éducatrice. Suite à son mariage avec le Prophète, elle devint une nouvelle élève dans l'école du savoir et de la guidance, envers qui toutes les femmes sont reconnaissantes. Rappelons-nous qu'à cette époque le Prophète approchait la soixantaine. Son mariage avec une veuve qui avait quatre enfants et son acceptation de pourvoir à toutes les dépenses et d'assumer toutes les responsabilités conséquentes ne peuvent être compris que comme un acte de compassion qui mérite notre admiration pour ses réserves infinies de bonté et d'humanité.
Oumm Habiba était la fille d'Abou Soufyan qui, pendant très longtemps, fut l'ennemi le plus acharné du Prophète et le plus grand partisan de la religion polythéiste de La Mecque. Malgré cela, sa fille fut l'une des premières converties à l'islam et émigra en Abyssinie avec son mari, où ce dernier finit par devenir chrétien. Bien qu'elle se fût séparée de son mari[67], elle resta musulmane. Peu de temps après, son mari décéda, la laissant seule et sans espoir dans l'exil.
Durant cette dure période, les Compagnons eux-mêmes avaient du mal à subvenir à leurs propres besoins. Elle fut donc confrontée à plusieurs choix : la conversion au christianisme en échange de l'aide de la part des chrétiens abyssiniens (impensable) ; rentrer chez son père, là où siégeait le quartier général de la guerre contre l'islam (impensable) ; ou mendier de maison en maison. Cette dernière solution était aussi impensable que les deux premières, et avait en plus l'inconvénient de porter la honte sur sa famille qui était l'une des plus riches et des plus nobles familles arabes.
Dieu récompensa Oumm Habiba pour tout ce qu'elle avait perdu et sacrifié au nom de l'islam. Elle avait été réduite à un exil solitaire et à être une malheureuse veuve dans un endroit peu sûr où les gens étaient d'une religion et d'une race différentes de la sienne, en plus de s'affliger de l'apostasie de son défunt mari. Le Prophète, en apprenant son triste état, la demanda en mariage par l'intermédiaire du roi Négus. Cette noble et généreuse action est une preuve pratique de ce verset : Et Nous ne t'avons envoyé qu'en miséricorde pour l'univers. (21 : 107)
Ainsi, Oumm Habiba rejoignit le foyer du Prophète en tant qu'épouse et élève, et contribua beaucoup à la vie morale et spirituelle de ceux qui reçurent ses enseignements. À travers ce mariage, la puissante famille d'Abou Soufyan fut liée à la personne et au foyer du Prophète, un fait qui les poussa à reconsidérer leur opposition. Il est aussi correct de percevoir l'influence que ce mariage a eue, non seulement sur la famille proche d'Abou Soufyan, mais également sur tous les Omeyyades, lesquels dirigèrent les musulmans pendant près d'un siècle. Ce clan, dont les membres avaient été les plus hostiles à l'islam, produisirent des guerriers, des dirigeants et des gouverneurs parmi les plus renommés des premiers temps de l'ère islamique. Ce fut son mariage avec Oumm Habiba qui enclencha ce changement : la profondeur de générosité et la grandeur d'âme du Prophète les ont sûrement confondus.
Zaynab bint Jahsh était une femme de noble naissance et descendance, et était une proche parente du Prophète. C'était aussi une femme d'une grande piété qui jeûnait beaucoup, priait longtemps la nuit et aidait généreusement les pauvres. Quand le Prophète informa ses parents qu'il souhaitait qu'elle épouse Zaïd (qui était alors un esclave africain affranchi qu'il avait pris comme fils adoptif), sa famille et elle-même furent d'abord réticentes. Sa famille avait espéré marier leur fille au Prophète lui-même. Naturellement, quand ils réalisèrent que tel était le désir du Prophète, ils consentirent par amour du Messager et par égard pour son autorité.
Alors qu'il n'était qu'un enfant, Zaïd avait été capturé et fait esclave lors d'une guerre tribale. Khadija, qui l'avait acheté, l'avait offert à Mohammed lorsqu'ils se marièrent. Le Prophète l'avait immédiatement libéré et peu après adopté. Il insista pour que ce mariage ait lieu afin d'établir et de fortifier l'égalité entre tous les musulmans, et de briser les préjugés des Arabes envers le mariage d'un esclave, voire d'un ancien esclave affranchi, avec une femme libre.
Or le mariage n'apporta pas le bonheur escompté chez les époux. Tous deux étaient de pieux musulmans et aimaient le Prophète de tout leur coeur, mais ils s'avérèrent incompatibles. Zaïd demanda plusieurs fois au Prophète de les autoriser à divorcer, mais le Prophète lui dit d'être patient et de ne pas se séparer de Zaynab. Puis un jour, l'archange Gabriel apparut et lui transmit une Révélation Divine. Le verset révélé annonçait le mariage du Prophète avec Zaynab comme une alliance déjà établie : Nous te la fîmes épouser (33 : 37).[68]
Il est clair que le désir charnel n'avait aucune part dans cette union. Loin de là, ce fut une épreuve si pénible qu'Anas dit plus tard : « Si le Messager de Dieu avait été enclin à supprimer quoi que ce soit de ce qui lui a été révélé, il aurait assurément supprimé ce verset. »[69]
La Sagesse Divine avait décrété que Zaynab rejoignît le foyer du Prophète, afin qu'elle soit préparée à guider et à éclairer les musulmans. En tant qu'épouse, elle s'avéra digne de sa nouvelle mission en étant toujours consciente de ses responsabilités et des civilités liées à son rôle, qu'elle accomplit à la perfection comme en témoigne l'admiration universelle.
Avant l'islam, un fils adoptif était considéré comme un vrai fils. Par conséquent, l'épouse d'un fils adoptif était considérée comme l'épouse d'un vrai fils. Selon le verset coranique, les femmes de vos fils, issus de vos reins (4 : 23), une fois divorcées, font partie des femmes avec lesquelles il est interdit de se marier. Mais cette prohibition ne s'applique pas aux fils adoptifs, car il n'y a aucune consanguinité. Ce qui semble évident de nos jours ne l'était pas alors. Ce tabou tribal profondément enraciné fut ainsi aboli par ce mariage, comme Dieu le voulut.
Pour avoir une autorité indiscutable pour les futures générations de musulmans, le Prophète dut abolir ce tabou luimême. Le fait qu'il ait agi comme Dieu le lui ordonna est un autre exemple de sa foi parfaite. Ainsi libéra-t-il son peuple d'une fiction légale qui avait obscurci une réalité biologique et naturelle.
Jouwayriya bint Harith, la fille du chef du clan des Bani Mustaliq qui subirent la défaite, fut capturée durant une expédition militaire. Elle fut gardée, comme les autres membres de sa si fière famille, parmi les gens « ordinaires » de son clan. Elle était extrêmement affligée quand elle fut amenée devant le Prophète, entre autres parce que ses proches avaient tout perdu et parce qu'elle détestait les musulmans. Le Prophète comprenait la blessure portée à sa fierté et à sa dignité, et savait comment la soigner. Il accorda de payer sa rançon et de la libérer, puis lui offrit de l'épouser.
Quand les Ansar (Secoureurs) et les Mouhadjiroun (Émigrés) apprirent que les Bani Mustaliq étaient désormais apparentés au Prophète par les liens du mariage, ils libérèrent environ 100 familles sans que leurs rançons ne soient payées[70]. Une tribu ainsi honorée ne pouvait demeurer dans l'esclavage. De cette façon, les coeurs de Jouwayriya et de tout son peuple purent être gagnés. Les 100 familles en question bénirent le mariage. Par sa sagesse et sa générosité compatissantes, le Prophète transforma la défaite de certains en une victoire pour tous, et ce qui était une occasion d'hostilité et de malheur devint une occasion d'amitié et de joie.
Safiyya bint Huyayy était la fille du chef de la tribu juive de Khaybar, qui avait persuadé les Bani Quraydha de rompre leur traité avec le Prophète. Elle avait vu sa famille et ses proches s'opposer au Prophète depuis qu'elle était toute petite. Elle perdit son père, son frère et son mari lors de batailles contre les musulmans, et elle finit elle-même par être capturée.
Elle dit plus tard : « Quand je fus capturée, je me mis à espérer que mon rêve se réaliserait. » Quand on l'amena devant le Prophète, il fut très généreux envers elle en la libérant et en lui offrant le choix de rester juive et de rentrer chez son peuple ou d'entrer dans l'islam et de devenir son épouse. « Je choisis Dieu et Son Messager », répondit-elle. Et ils se marièrent peu après.
Élevée au rang de membre de la Famille du Prophète et désormais « Mère des Croyants », elle fut elle-même témoin direct du raffinement et de la vraie courtoisie des musulmans. Son attitude vis-à-vis de ses expériences passées changea radicalement, et elle commença à apprécier l'immense honneur d'être l'épouse du Prophète. Ce mariage changea aussi l'attitude de nombreux juifs au fur et à mesure qu'ils venaient voir et connaître le Prophète de plus près. Notons que de telles relations entre les musulmans et les non-musulmans peuvent aider les gens à mieux se comprendre et à établir le respect mutuel et la tolérance comme des normes sociales.
Sawda bint Zam‘a était la veuve de Sakran. Ce couple avait été parmi les premiers à embrasser l'islam et à émigrer en Abyssinie, fuyant la persécution des Mecquois. Sakran mourut en exil et laissa sa femme sans moyen de subsistance. Pour soulager ses peines, le Prophète l'épousa bien qu'il eût luimême de grandes difficultés à pourvoir à ses propres besoins quotidiens. Ce mariage eut lieu quelques années après le décès de Khadija.
Hafsa était la fille d'Omar ibn al-Khattab, le futur deuxième calife de l'islam. Également en exil en Abyssinie puis émigrée à Médine, elle devint veuve quand son mari obtint le martyre sur le chemin de Dieu. Elle resta veuve pendant un certain temps. Omar aspirait à l'honneur et à la bénédiction d'être proche du Prophète aussi bien dans ce monde que dans l'autre. Ainsi le Prophète épousa-t-il Hafsa afin de protéger et d'aider la fille de son fidèle disciple.
Tels étaient les circonstances et les motifs derrière les différents mariages du Prophète. Il se maria pour pourvoir à la subsistance et à la dignité de veuves ou de femmes dépourvues de tout soutien ; pour consoler ou honorer les membres des tribus qui étaient enragés ou brouillés en amenant les anciens ennemis dans quelque degré de relation familiale et d'harmonie ; pour gagner certains individus exceptionnellement doués à la cause de l'islam ; pour établir de nouvelles normes de relations entre différentes personnes au sein de la fraternité unificatrice de la foi en Dieu ; et pour honorer avec des liens de famille les deux hommes qui allaient le succéder comme dirigeants de la communauté musulmane après sa mort.
Ces mariages n'avaient rien à voir avec la complaisance, les désirs personnels, ou la convoitise. Exception faite d'Aïcha, toutes ses épouses étaient veuves et tous ses mariages (sauf celui avec Khadija) furent contractés alors qu'il était déjà un vieil homme. Loin d'être des actes d'auto-indulgence, ces mariages étaient des actes d'autodiscipline.
Cette discipline consistait en partie à pourvoir aux besoins de chacune de ses épouses avec la justice la plus scrupuleuse qui soit, diviser équitablement les maigres ressources qu'il avait pour leur subsistance, leur logement et leurs pensions. Il divisa aussi son temps en parts égales pour elles, leur attribua les mêmes égards et les traita avec le même degré d'amitié et de respect. Le fait que toutes ses épouses s'entendaient bien est un exemple de son génie pour créer la paix et l'harmonie. Pour chacune d'elles, il n'était pas seulement un pourvoyeur mais aussi un ami et un compagnon.
Le nombre d'épouses du Prophète était une dispense spéciale. Certains mérites et sagesses de cette dispense, d'après ce que nous comprenons, ont été expliqués. Tous les autres musulmans sont autorisés à avoir au maximum quatre épouses à la fois. Quand cette restriction de la polygamie fut révélée, les mariages du Prophète avaient été déjà consommés. Après quoi il n'épousa aucune autre femme.
[65] Rappelez-vous que nous devons juger les actions du Prophète selon les normes de son époque. La longévité était alors très courte, et à l'âge de 55 ans il était déjà considéré comme « vieux ». Ceci semble avoir un peu changé à notre époque grâce aux progrès réalisés en médecine.
[66] Selon I Rois 11 : 3, Salomon avait sept cents épouses, princesses, et trois cents concubines. [67] Une femme musulmane ne se marie pas avec un homme non musulman, car l'homme est responsable de son épouse et aussi par intérêt pour le bien-être spirituel des enfants.
[68] Bukhari, Tawhid, 22
[69] Boukhari, ibid., p. 598 ; Mouslim, Iman : 288.
[70] Les Ansar étaient les musulmans de Médine qui accueillirent les Mouhadjiroun (musulmans mecquois) dans leur ville et les aidèrent. Ils acceptèrent le Prophète comme leur chef. (Ibn Hanbal, Mousnad, 6 : 277)
- Créé le .