L'intellect
L'intellect est un autre attribut important de la Prophétie. Dans ce contexte, il a un sens particulier: un composé du pouvoir de raisonnement, de la sagacité, de l'intelligence, du jugement sain et de la sagesse surpassant de loin la capacité du commun des mortels grâce à un pouvoir sublime de compréhension. Il contient et coordonne toutes les aptitudes humaines liées au cœur, à l'âme ou à l'esprit.
Sous l'influence de certaines tendances passagères, certains réduisent l'islam à un système rationaliste. Ils considèrent la raison comme l'ultime autorité et ne font pas de distinction entre le jugement de la raison saine et les excès et les défauts du rationalisme. Tous les principes de l'islam, cette religion révélée dont l'origine est un Savoir Tout-Englobant, peuvent être confirmés par la raison. Toutefois, une compréhension intégrale de l'islam requiert un intellect de Prophète pour saisir l'entière signification de l'univers et de l'humanité. L'islam admet l'ultime autorité de la raison; mais pas de la raison humaine, qui est limitée par notre propre capacité et qui est souvent en conflit avec celle d'un autre, mais la raison universelle d'un Prophète, car l'islam est le nom de l'ordre universel divin.
Dieu manifeste Ses Noms à travers des voiles. Son Unité absolue requiert que nous attribuions les effets directement à Son Pouvoir créateur. Mais Sa Transcendance, Sa Grandeur et Sa Majesté requièrent que des causes «naturelles» voilent Ses actes afin que les gens ne Lui attribuent pas les choses qui leur semblent désagréables. Il éleva des Prophètes pour transmettre Sa Révélation. Parce que nous ne pouvons pas recevoir la Révélation directement, les Prophètes fonctionnent comme un prisme recevant puis reflétant la Révélation Divine. Ils modulaient la révélation en fonction des capacités intellectuelles de leur public et des conditions de leur époque. En d'autres termes, l'intellect prophétique permet à un Prophète de comprendre tout concernant son peuple et ainsi de répondre à toutes leurs questions et résoudre leurs problèmes.
Si nous examinons les réussites du Prophète, nous voyons qu'il était un homme d'Etat et un commandant de premier ordre. En tant que personnification ou manifestation la plus compréhensive de l'Attribut Divin de la Parole, il est l'orateur le plus éloquent que nous ayons jamais vu. Ses paroles, malgré leur apparente simplicité, touchent chacun de nous, malgré notre simplicité intellectuelle. À mesure que les connaissances humaines évoluent, nous réalisons que derrière ces paroles a priori simples se cachent un océan dont la profondeur ne peut être appréciée que si l'on y plonge plus profondément, ou une rose dont les pétales s'entrelacent les uns les autres, chacun étant plein de signification.
Son niveau de compréhension était si élevé que Wahb ibn Munabbih, qui était versé dans la Torah et les Évangiles, dit: «Comparée à celle du Messager de Dieu, la perception et la capacité mentale de l'humanité entière sont comme un grain de sable comparé à tout le sable d'un immense désert.»[1]
Exemples de sa capacité intellectuelle
Avant sa Prophétie, la Ka'ba était en partie endommagée par la pluie et les inondations conséquentes. Les Qoraïchites la restaurèrent. Cependant, une guerre de clan faillit éclater au moment où il fallut décider qui aurait l'honneur de remettre en place la Pierre Noire sacrée. Quelqu'un suggéra que l'on s'en remette à la première personne qui apparaîtrait à la Ka'ba. Au soulagement de chacun, cette personne fut Mohammed. Ils s'exclamèrent: «Le Digne de Confiance arrive!» Après avoir expliqué le problème, Il étala son manteau par terre. Posant la Pierre Noire dessus, il dit à chaque chef de clan de le tenir d'un coin. Quand la Pierre Noire fut à la hauteur requise, Mohammed la remit à sa place. C'est ainsi qu'il empêcha une guerre tribale d'avoir lieu.[2]
Le Messager de Dieu évaluait toujours les capacités mentales et spirituelles d'une personne ou d'un public avec précision. Il savait parfaitement comment s'y prendre avec un individu en particulier, à un moment particulier et dans des circonstances particulières; il n'avait jamais recours à la flatterie ni à la fausseté. Un jour, Houssaïn, un excellent orateur réputé pour sa rhétorique de persuasion, tenta de lui faire abandonner sa mission. Le Messager de Dieu écouta avec attention son argumentation, puis entama le dialogue suivant:
- Houssaïn, combien de divinités adores-tu?
- Huit: l'une dans les cieux et les autres sur terre.
- À laquelle fais-tu appel quand un malheur t'atteint?
- À celle qui est dans les cieux.
- À laquelle fais-tu appel quand tes biens sont perdus?
- À celle qui est dans les cieux.
Le Messager de Dieu posa une ou deux autres questions similaires puis, recevant à chaque fois la même réponse, il demanda: «D'après toi, donc, seule Celle qui est dans les cieux répond à ton appel. Pourtant, tu continues à Lui associer des partenaires. N'est-ce pas ce que je prêche? Il n'y a de divinité que Dieu. Deviens musulman et sois sauvé.»[3] Cet argument apparemment simple vainquit Houssaïn avec sa propre logique.
Les Bédouins sont souvent appelés les «gens du désert». Leur mode de vie est particulier et entraîne parfois certaines expériences telles que la perte d'un chameau, l'oubli de l'emplacement des choses, ou encore les tempêtes de sable. Malgré le grand nombre de divinités qu'ils adorent, c'est toujours à Dieu, l'Un, l'Unique Créateur de l'univers, le Tout-Puissant, qu'ils demandent aide et secours. Leur for intérieur et leur saine conscience leur dit la vérité sous le ciel enchanteur du désert ou dans l'obscurité, où ils reconnaissent enfin l'Unicité Divine. Cela arriva à Hamza, qui proclama: «Ô Mohammed, j'ai perçu dans l'obscurité de la nuit du désert que Dieu est trop grand pour être contenu entre quatre murs!»[4]
Le Messager de Dieu connaissait le caractère de chacun et s'adressait à leurs âmes en les invitant à l'islam. Par exemple, Ahmad ibn Hanbal rapporte d'Abou Tamima qu'un Bédouin demanda au Messager de Dieu s'il était Mohammed. Recevant une réponse affirmative, le Bédouin voulut savoir à quoi il invitait les gens. Le Messager répondit: «À Dieu, le Tout-Majestueux. Je les invite à Lui seulement, sans Lui donner d'associés. Il est Dieu, Celui que tu appelles quand un malheur t'atteint et qui l'écarte de toi. C'est Lui seul que tu implores pendant la sécheresse et la famine, et c'est Lui qui envoie la pluie et fait pousser l'herbe. C'est aussi Lui que tu supplies quand tu perds quelque chose dans le vaste désert et c'est Lui qui te le fait retrouver.» Ces paroles simples, précises et concises amenèrent le Bédouin à s'éveiller à la vérité et à embrasser l'islam sur le champ.[5]
L'histoire ne relate aucun autre exemple d'individu formant une telle communauté vertueuse aussi rapidement et à partir de gens si peu prometteurs et de ressources si maigres. Le Prophète Mohammed utilisa si habilement les dynamiques que Dieu lui a accordées que les historiens et les sociologues n'arrivent toujours pas à saisir complètement toutes les dimensions de son message révolutionnaire. Les vagues que celui-ci engendra se propagèrent à travers les siècles et continuent d'attirer un nombre grandissant de personnes des quatre coins du monde vers le paisible océan de l'islam.
Le Prophète résolvait les problèmes, comme Bernard Shaw le faisait remarquer, aussi facilement que l'on boit un café. Même quand il faisait face aux urgences les plus inattendues, il restait calme et résolvait le problème à la satisfaction de chacun. Toute sa vie montre qu'il était un homme d'un équilibre parfait et qu'il ne perdit jamais cet équilibre.
À partir de ce dernier élément, considérez l'exemple suivant. Après la conquête de La Mecque, beaucoup d'anciens ennemis proclamèrent leur conversion. Naturellement, il leur était difficile d'acquérir une foi sincère aussi rapidement. C'est pour cela que le Messager de Dieu chercha à «réconcilier leurs cœurs» et à augmenter leur engagement en les préférant aux musulmans lors de la distribution du butin après la bataille de Hounaïn.
Le butin était composé de 24 000 chameaux, 40 000 moutons et chèvres, et environ 4540 kilos d'or et d'argent. Le Messager de Dieu donna 300 chameaux et 113 kilos d'or et d'argent à Abou Soufyan et à sa famille, 200 chameaux à Hakim ibn Hizam et 100 chameaux chacun à Nusayr ibn al-Harith, Qays ibn Asiyy, Safwan ibn Umayya, Malik ibn Awf, al-Aqra ibn Habis et 'Uyayna ibn Hisn. Une telle générosité aida à réparer la fierté blessée des chefs mecquois.
Quelques jeunes Ansars, malgré leur dévotion au Messager de Dieu et à l'islam, se vexèrent; non pas parce qu'ils auraient aimé avoir tout le butin pour eux-mêmes, mais parce qu'ils ne voulaient pas voir d'anciens ennemis de l'islam être récompensés. Cela aurait pu engendrer un mouvement dissident parmi les musulmans. Quand il fut informé par Sa'd ibn 'Ubada, un chef ansari, le Prophète les convoqua afin de leur parler. Une fois rassemblés, il commença son discours d'une façon dramatique afin d'attirer et de garder leur attention, et de laisser un impact sur leurs âmes: «Ô communauté de Secoureurs [Ansars]! J'entends que vous n'êtes pas satisfaits de moi.»
Il continua dans ce style puissant et impressionnant, en leur rappelant les bienfaits que Dieu leur a accordés à travers sa personne. Il demanda: «N'étiez-vous pas dans l'égarement quand je suis venu à vous? Et Dieu ne vous a-t-Il pas guidés à la vérité à travers moi? N'étiez-vous pas dans la misère quand je suis venu à vous? Et Dieu ne vous a-t-Il pas enrichis à travers moi? N'étiez-vous pas dans des conflits internes quand je suis venu à vous? Et Dieu ne vous a-t-Il pas réconciliés à travers moi?» Ils acquiesçaient et répondaient à chaque question: «Vrai, ô Messager de Dieu! Nous avons une dette envers Dieu et Son Messager!»
Après leur avoir rappelé tous ces bienfaits, le Messager de Dieu énuméra leurs services rendus à l'islam: «Ô Ansars! Si vous l'aviez voulu, vous auriez pu me répondre différemment et dire: 'Ton peuple t'a renié, mais nous avons cru en toi. Tu es venu à nous sans personne pour te défendre, mais nous t'avons admis et protégé. Ton peuple t'a exilé, mais nous t'avons accueilli les bras ouverts. Tu es venu à nous sans aucun moyen de subsistance, mais nous avons pourvu à tous tes besoins.' Si vous m'aviez répondu ainsi, vous auriez dit vrai et personne n'aurait pu se lever pour vous contredire.»
Il continua: «Ô Ansars! Même si vous étiez vexés par mes actions, ne préféreriez-vous pas rentrer chez vous avec le Messager de Dieu pendant qu'ils rentrent avec des chameaux et des moutons? Je jure par Dieu qui détient mon âme dans Sa Main Puissante que si tous les autres gens prenaient une direction différente de celle des Ansars, je n'hésiterais pas à aller avec les Ansars! N'eût été pour l'Emigration, j'aurais aimé de tout mon cœur être l'un des Ansars! Ô Dieu, protège les Ansars et leurs descendants!» Ces paroles suffirent à faire pleurer les Ansars, qui s'exclamèrent d'une même voix: «Dieu et Son Messager nous suffisent! Nous ne désirons rien d'autre!»[6]
Bien que ce discours fut improvisé sous l'impulsion du moment, il réussit à la fois à écraser un éventuel mouvement dissident et à reconquérir les cœurs des Ansars. Analysons ce discours afin qu'il puisse être mieux compris et apprécié à sa juste valeur.
Il parla seulement aux Ansars, car ils étaient les seuls à être offensés. Cela leur montra d'emblée qu'ils étaient particulièrement honorés et exerça une influence psychologique sur eux. Cela prévint aussi l'apparition d'un quelconque ressentiment chez les Mouhadjiroun, qui avaient été forcés d'émigrer à Médine, ou chez les nouveaux musulmans de La Mecque, dont beaucoup n'étaient pas encore tout à fait convaincus.
Son discours, si on le lit dans sa version originale en arabe, constitue un exemple de rhétorique d'une éloquence extraordinaire.
L'ouverture de son discours était dramatique, car il voulait attirer l'attention de son public. En effet, leur attention ne vacilla pas un instant, car le ton dramatique demeura intact jusqu'à la fin du discours.
Il n'eut pas recours à la flatterie ni à la diplomatie. Au contraire, il parla avec une sincérité toute simple, ce qui était essentiel pour assurer l'influence souhaitée sur les auditeurs.
La nature improvisée de ce discours joua aussi un rôle important dans l'obtention du résultat souhaité. La fraîcheur et la force d'un tel discours non préparé, dans de telles circonstances, est souvent plus efficace qu'un discours préparé à l'avance.
Ces quelques exemples illustrent l'intellect du Messager de Dieu et montrent qu'il ne parlait ni n'agissait de son propre chef; au contraire, ce qu'il disait et faisait portait la charge ou la force de quelqu'un qui remplissait une mission divine.
Concision
Une autre dimension de son intellect est la nature très succincte de son discours. Rappelons qu'il est non seulement le leader de ceux qui vivaient à son époque, mais aussi de tous les croyants à venir. Il fut envoyé pour s'adresser à toutes les catégories de personnes, aux Bédouins du VIIe siècle comme aux plus grands intellectuels et hommes de science, jusqu'au Jour du Jugement. À ce jour, personne n'a encore été capable de réfuter ses paroles. En conséquence, après examen minutieux de sa Sounna et du Coran, nous réalisons qu'ils se complémentent au niveau du style et du contenu. Qui plus est, il n'y a aucune contradiction entre eux et les connaissances scientifiques. Depuis la révélation, des milliards de gens ont trouvé dans le Coran des réponses à leurs problèmes intellectuels, des remèdes pour leurs maladies spirituelles et des modèles de conduite pour toutes les circonstances.
Les paroles enchanteresses, passionnantes et éducatives du Messager de Dieu qui ont tant illuminé ses Compagnons intellectuellement et les ont ranimés spirituellement, ont exercé une influence pareille sur d'innombrables savants, hommes de science, exégètes du Coran, spécialistes des hadiths, juristes, guides spirituels et spécialistes dans les sciences physiques et humaines. De tels individus, dont la plupart n'étaient pas arabes, ont utilisé le Coran et la Sounna comme les sources fondamentales de leurs efforts et de leurs études universitaires.
Aujourd'hui encore, ses paroles suffisent à inciter les gens à se réformer et à embrasser l'islam. Il reconnaissait son don comme un bienfait octroyé par Dieu et il insistait là-dessus en disant parfois: «Je suis Mohammed, un Prophète illettré. Aucun Prophète ne viendra après moi. J'ai été caractérisé par une parole à la fois concise et chargée de sens»,[7] et: «Ô peuple, j'ai été honoré par la concision de mon discours et par le jugement final sur toutes choses.»[8]
On dit du rossignol qu'il communique la gratitude des plantes et des fleurs à Dieu le Tout-Pourvoyeur. De même, le Messager de Dieu est venu pour chanter les louanges de Dieu dans le jardin de l'humanité et pour annoncer Ses Commandements avec ses chants enchanteurs. Ses paroles faisaient éclore des fleurs toujours fraîches dans tous les cœurs humains et réduisaient les paroles des autres, malgré leur beauté superficielle, à néant. Les croyants étaient purifiés par la profonde sérénité des ses paroles, vivifiés par l'atmosphère radieuse créée par ses discours et par l'amour que sa conduite personnelle inspirait. À travers ses actes et ses paroles, le Messager de Dieu ôtait les voiles du «visage» de la nature et embellissait le «Livre de l'Univers» avec des inscriptions divines.
Beaucoup de célèbres rhétoriciens, d'orateurs et de poètes ont préféré écouter le Prophète ou ont grandement profité de ses paroles. Des milliers d'hommes de lettres ont consacré leurs vies à l'étude de ses paroles et ont compilé des ouvrages de plusieurs tomes sur elles ou à partir d'elles. Nombre de penseurs et de savants se sont «désaltérés» à la «source de vie» qui s'y trouve. Afin d'exprimer la beauté et la portée de ses mots, nous citerons quelques vers légèrement adaptés et prononcés à propos du Coran:
Presque rien dans ce monde
N'est venu pur ou sans voile,
Excepté les mots du Messager
Qui préservent leur beauté intacte,
Et attendent toujours d'être pleinement saisis.
Le Messager de Dieu étant illettré, il ne pouvait pas être influencé par la culture écrite de son époque. Sa conscience était si saine, son intellect si parfait, et son caractère si pur que seul lui aurait pu recevoir la révélation divine. Son cœur et son esprit étaient exclusivement nourris par la révélation divine. Chacune de ses paroles et de ses actes était un rayon de cette révélation, un signe de sa Prophétie. Tel une coupe d'eau douce, claire et cristalline, son intellect était si pur que la révélation divine y entrait et en émergeait, goutte par goutte, sous la forme de mots dans leur clarté originale.
L'expression principale de la révélation divine est le Coran. Celui-ci est aussi la source principale de la loi islamique. Bien qu'il contienne des conseils se rapportant à tous les aspects de la vie humaine, le nombre de questions et de problèmes posés au Messager de Dieu entraînaient la nécessité d'une seconde forme de révélation. Celle-ci prit la forme d'une inspiration divine, une révélation implicite, pour clarifier des versets coraniques ou pour établir de nouveaux principes liés à la conduite islamique. Cela, avec son comportement et ses paroles quotidiennes, forme la seconde source de la loi islamique, à savoir la Sounna.
Tous les Prophètes étaient aidés par des miracles appropriés à leur époque et à leur contexte. Par exemple, les miracles de Moïse se devaient d'apparaître comme de la magie, car elle était en vogue à l'époque. Les miracles de Jésus relevaient du domaine des remèdes, car il y avait alors un grand besoin de médecine. De même, quand Mohammed apparut en tant que Prophète, les choses les plus populaires en Arabie étaient alors: l'éloquence et l'habileté dans la parole, la poésie et l'art oratoire, la divination, la connaissance du passé et la cosmologie. Le Coran défia tous les experts connus dans ces domaines et les força à se rendre. Le Prophète Mohammed les surpassa par son éloquence merveilleuse, sa connaissance du cosmos et ses prédictions.
Comme sa Prophétie est universelle et qu'elle durera jusqu'au Jour Dernier, son éloquence et son style linguistique ne pourront jamais être égalés. Ses paroles, avec le Coran, supplantent tous les ouvrages littéraires. Leur excellence est éternelle et devient de plus en plus vive à mesure que leurs sens plus profonds sont découverts au cours du temps. Ses paroles et le Coran sont d'une telle nature extraordinaire, débordant de significations, que grâce à eux des millions de saints et de gens cherchant la connaissance divine ont atteint une parfaite connaissance de l'Etre Divin, des Attributs Divins et des Noms Divins. C'est aussi à travers eux que les vérités cachées du monde de l'Invisible (les anges, les djinns, l'au-delà, le Paradis, l'Enfer, etc.) sont dévoilées.
Ces deux sources ont aussi servi de fontaine intarissable et pure de perspicacité pour d'innombrables juristes, interprètes du Coran, spécialistes des hadiths, historiens, hommes de science, sociologues, psychologues et beaucoup d'autres. Le Coran et la Sounna ont éclairé des milliards de gens et leur ont montré comment prier, jeûner, donner l'aumône et faire le pèlerinage - et même comment manger, boire et parler; en bref, comment nous comporter à tous les moments de la vie.
Voici quelques exemples:
Imam Tirmidhi rapporte de Ibn 'Abbas, le Savant de la Oumma, ce que le Messager de Dieu lui a dit:
Ô jeune homme, laisse-moi t'apprendre quelques principes: observe les droits de Dieu afin que Dieu te protège. Observe Ses droits afin que tu puisses toujours Le trouver près de toi. Quand tu demandes quelque chose, demande-le à Dieu. Quand tu cherches de l'aide, cherche-la auprès de Dieu. Sache que si tout le monde se rassemblait pour t'aider, ils ne pourraient faire que ce que Dieu a déjà décrété pour toi. Et si tout le monde se rassemblait pour te faire du mal, ils ne pourraient faire que ce que Dieu a déjà décrété pour toi. La Plume de la Destinée est levée, et tout a été décrété.[9]
Ce hadith encourage la soumission à Dieu et la croyance en Son Unité et au Destin. Il ne faut pas en conclure que le destin exclut le libre arbitre; loin de là, il renforce notre action, notre prière et notre besoin de fournir des efforts pour obtenir les résultats souhaités. Il nous avertit que puisque tout est finalement entre les mains de Dieu, nous devons œuvrer en conformité avec Ses Commandements et espérer les résultats de Lui seulement.
Imam Tirmidhi rapporte de Ibn 'Omar que le Messager de Dieu a dit: «Vis dans ce monde comme si tu étais un étranger ou un voyageur. Considère-toi comme un mort.»[10] Ce très court hadith nous encourage à mener une vie austère et disciplinée, basée sur la conscience de Dieu. Il nous rappelle notre destination finale en insistant sur le caractère éphémère de ce monde, et établit l'équilibre entre cette vie et l'autre.
Nous sommes des voyageurs en ce monde. Mawlana Jalal ad-Din ar-Rumi, un soufi turc du XIIIe siècle, dit que chaque individu est comme une flûte faite d'un roseau séparé de son groupe. Nous gémissons sans cesse dans les affres de notre séparation du vrai Maître et de la vraie patrie. Nous partons du Monde des Esprits et voyageons en passant par les stations du ventre de la mère, de la jeunesse, de la vieillesse, de la tombe et de la résurrection. Enfin, notre voyage se termine soit au Paradis, soit en Enfer. Si nous désirons un voyage agréable et une arrivée sûre au Paradis, nous devons être conscients du caractère transitoire de cette vie et nous préparer pour la vie éternelle. Certes, nous pouvons, dans une certaine mesure, goûter aux plaisirs de cette vie, à condition qu'ils ne soient pas spécifiquement interdits, mais nous ne devons pas nous laisser aller à des excès ni oublier notre vraie destination.
Des livres de hadiths authentiques tels que Sahih al-Bukhari, Sahih Muslim et Sunan Abu Dawud relatent de Abd Allah Ibn Mas'ud que le Messager de Dieu a dit: «Dites toujours la vérité, car cela conduit à la piété absolue et la piété conduit au Paradis. Ceux qui disent toujours la vérité et sont en quête de vérité sont inscrits par Dieu parmi les véridiques. Ne mentez pas, car cela conduit à la perversité et la perversité conduit en Enfer. Ceux qui mentent toujours et sont en quête de mensonges sont inscrits par Dieu parmi les menteurs.»[11]
La véracité est un attribut essentiel de la Prophétie. La véracité ouvre la porte du bonheur dans les deux mondes. Personne ne peut goûter à la vraie félicité tout en vivant dans les ténèbres des mensonges et de la fausseté. Le mensonge est «une assertion contraire à la connaissance de Dieu», un pilier de l'incroyance, et le signe le plus manifeste de l'hypocrisie. L'actuelle prédominance du mensonge est en train de détruire notre sécurité et notre moralité, et de contaminer l'ensemble de la communauté (tout particulièrement les cercles politiques) comme une maladie contagieuse. Toute structure fondée sur le mensonge est vouée à l'anéantissement à cause de sa nature même.
Ce hadith stipule que la véracité conduit à la piété absolue et le mensonge au péché. Le mot arabe birr, que l'on a traduit par piété, comprend toutes les vertus, de la pensée saine, la véracité et les intentions pures, à l'honnêteté, la décence et la bonne conduite. Son contraire, fujur (perversité), signifie toutes sortes de mal et d'égarements, parmi lesquels la débauche, l'indécence et la perversion.
Bukhari et Muslim rapportent de Ibn Mas'ud que le Messager de Dieu a dit: «L'homme (ou la femme) est avec celui qu'il (ou elle) aime.»[12] Ce hadith est une source d'espoir et de consolation pour ceux qui n'arrivent pas à adhérer complètement aux Commandements Divins. Ceux qui aiment les Prophètes et les saints seront en leur compagnie dans l'au-delà. Par conséquent, quiconque désire cela doit les aimer sincèrement et les suivre du mieux qu'il peut. Ceux qui aiment les ennemis de Dieu seront avec eux en Enfer.
Nu'ayman, un Compagnon, n'arrivait pas à arrêter de boire de l'alcool. Il fut puni plusieurs fois. Lorsqu'un autre Compagnon lui reprocha encore de boire, le Messager de Dieu avertit ce Compagnon: «N'aide pas Satan contre ton frère! Je jure par Dieu qu'il aime Dieu et Son Messager.»[13] Donc, ceux qui font de leur mieux pour se réformer, tant qu'ils continuent à observer leurs devoirs et à s'abstenir des grands péchés, doivent être encouragés et non pas réprimandés. Ceci est une condition préalable de leur amour pour Dieu et Son Messager.
Ibn Hanbal rapporte de Mu'adh ibn Jabal ce que le Messager de Dieu a dit: «Craignez Dieu où que vous soyez. Faites suivre votre péché d'un bien afin qu'il l'efface, et pratiquez les bonnes manières avec les gens.»[14] Ce hadith concis établit les principes d'une vie heureuse et décrit la voie vers la félicité éternelle. La crainte de Dieu est à la base de toutes les vertus et de toute bonne conduite, et mène au Paradis. Grâce à cela, les gens peuvent effacer leurs péchés par des bonnes actions, et les bonnes manières les élèveront au rang de la perfection.
Le Messager de Dieu déclara: «Vous êtes gouvernés selon ce que vous êtes (en fonction de votre croyance et de votre style de vie).»[15] Ce hadith exprime un principe d'administration publique et politique: la structure politique d'un pays est formée selon les tendances de son peuple, soit directement par la démocratie, soit indirectement par d'autres moyens. Les sciences naturelles et sociales ont toutes deux leurs lois que nous appelons «les lois divines créationnelles et opérationnelles de l'univers». Selon ces lois, si les gens se plongent dans le mal et le péché, ils seront inévitablement gouvernés par des gens mauvais. Si au contraire, ils préfèrent une vie vertueuse, leur gouvernement sera composé de gens de bien.
Le hadith attire l'attention sur le fait que les lois n'ont pas leurs propres sanctions, et que leur autorité dépend de ceux qui les appliquent. Le caractère des membres du gouvernement est donc d'une importance capitale. Si le peuple est juste, ses dirigeants ou membres du gouvernement seront également justes. S'ils ne le sont pas, ils ne devront pas s'attendre à avoir une administration juste. L'élite au pouvoir est comme la crème qui monte à la surface d'un liquide: le lait a sa propre sorte de crème, de même que la chaux et l'alun. Quand on rappela à Hajjaj, un commandant despotique, la justice de Omar, il répondit: «Si vous étiez un peuple comme celui de Omar, j'aurais été comme Omar.»
Le hadith nous incite aussi à développer la maîtrise de soi et à discerner nos propres fautes. L'harmonie sociale ne peut pas être établie si les gens ne cessent d'accuser les autres. Comme il est souligné dans le Coran: Dieu ne modifie point l'état d'un peuple, tant que les [individus qui le composent] ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes. (13:11) C'est nous qui déterminons notre propre sort et qui faisons notre histoire.
Bukhari, Muslim et Abou Dawud rapportent de Omar que le Messager de Dieu a dit: «Les actions sont jugées en fonction des intentions. L'on est rétribué que pour ce que l'on a l'intention de faire. Quiconque émigre pour Dieu et Son Messager aura émigré pour Dieu et Son Messager; quiconque émigre pour se marier ou pour acquérir les biens de ce monde aura émigré pour l'objet de ses intentions.»[16] Ce hadith concerne un Compagnon qui a émigré pour épouser Oumm Qays et représente une pierre angulaire de la loi islamique et la norme de règle pour évaluer les actions d'un croyant.
L'intention est l'esprit de nos actions. Par exemple, si nous accomplissons nos obligations religieuses sans avoir préalablement spécifié notre intention à ce sujet, elles s'avéreront inacceptables aux yeux de Dieu. Si nous ne recherchons pas l'agrément divin, alors ce que nous ferons ne sera pas récompensé par Dieu. L'hégire (l'émigration sacrée dans le sentier de Dieu) peut-être considérée comme la jumelle du djihad (la lutte sacrée dans le sentier de Dieu).
Bien qu'il n'y ait plus de véritable hégire (de La Mecque à Médine) depuis la conquête de La Mecque, l'hégire continuera ailleurs avec le djihad jusqu'au Jour dernier. Les croyants peuvent émigrer pour prêcher l'islam, comme l'avaient fait le Messager de Dieu et ses Compagnons quand cela leur était devenu impossible à La Mecque. De telles émigrations sont acceptées comme des hégires dès lors qu'elles sont faites uniquement pour l'amour de Dieu. L'intention peut parfois être récompensée sans qu'il y ait eu passage à l'action. Par exemple, si nous projetons de faire quelque chose de bien mais qu'en fin de compte, pour une raison légitime, nous ne pouvons pas faire, alors nous serons récompensés comme si nous avions accompli l'action que nous voulions faire.
L'intention multiplie les récompenses pour une action et transforme chaque action en une sorte d'acte d'adoration. Nous n'arriverons jamais à gagner de plein droit le bonheur éternel dans une vie aussi courte. Mais, en ayant l'intention d'adorer Dieu comme si nous allions vivre pour l'éternité, nous pouvons en arriver à mériter la vie éternelle au Paradis. Les incroyants dont les cœurs sont fermés à la foi, selon le même principe, méritent le châtiment éternel en Enfer. Les croyants qui se couchent après la prière de la nuit en ayant l'intention de se lever avant l'aurore pour faire la prière du tahajjud sont considérés comme ayant adoré Dieu pendant toute la nuit. C'est pourquoi le Messager de Dieu déclara: «L'intention d'un croyant apporte plus de récompenses que son action.»[17]
Bukhari rapporte que le Messager de Dieu a dit: «Le musulman est celui dont on est à l'abri de sa langue et de sa main. L'Emigrant est celui qui fuit ce que Dieu a interdit.»[18] Ce hadith si court exprime de nombreuses vérités. Tout d'abord, il décrit l'idéal ou la norme en commençant par le musulman, et non pas un musulman. De cette manière, notre Prophète attire l'attention sur les qualités des musulmans parfaits, et non pas de ceux qui n'ont de musulman que leurs noms.
Le mot musulman, qui dérive de la racine silm (sécurité, paix et salut), signifie celui qui souhaite et donne la paix, la sécurité et le salut. Ainsi, le musulman est le croyant qui incarne la paix, ne cause aucun tort aux autres et est le représentant le plus sûr de la paix et de la sécurité. Il s'efforce d'amener la paix, la sécurité et le salut aux autres et se voue à disséminer sa paix intérieure et son bonheur.
Deuxièmement, notre Prophète mentionne la langue avant la main, car la diffamation, la médisance et les insultes font souvent plus de dégâts que la violence physique. En effet, il nous est plus facile de réprimer en nous l'envie d'une attaque physique que verbale. De plus, l'autodéfense contre une violence physique est plus souvent plus facile que contre une calomnie ou des commérages. Les vrais musulmans s'abstiennent donc de faire du mal avec leurs langues et leurs mains et ainsi les autres n'ont rien à craindre d'eux.
Dans ce même hadith, l'émigration veut dire plus que quitter sa famille, sa maison, ses biens et sa terre natale pour l'amour de Dieu. Pour pouvoir faire cela, il faut d'abord émigrer du monde matériel à la dimension spirituelle de son être, émigrer des plaisirs de ce monde vers une vie altruiste, et de desseins égoïstes vers une vie consacrée à Dieu. Par conséquent, l'abstinence des interdictions divines est directement liée au fait d'être un bon musulman et de sacrifier sa vie pour le service de l'humanité et ce, uniquement pour l'amour de Dieu.
Le Messager de Dieu a dit: «Le fait d'être un bon musulman amène les gens à abandonner ce qui est vain et qui ne les regarde pas.»[19] De telles personnes pratiquent le ihsan, terme qui signifie que nous adorons Dieu comme si nous Le voyions, en étant pleinement conscient que même si nous n'arrivons pas à Le voir, Lui, certes, nous voit parfaitement et tout le temps.[20] Ceux qui atteignent ce rang peuvent dire: «Je Le cherchais dans le monde extérieur et voilà que je réalise qu'Il est l'Ame à l'intérieur de mon âme», comme le disait un poète en faisant allusion au verset coranique «Nous sommes plus proche de lui que sa veine jugulaire», ou comme le disait un autre: «J'attendais quelque nouvelle d'ailleurs, au-delà du monde; or le voile de mon âme s'est levé et j'ai pu me voir.»
Pour accéder à ce niveau, les croyants doivent abandonner tout ce qui est vain et futile. Ils doivent savoir que Dieu les regarde et que le Messager de Dieu et les croyants clairvoyants ont conscience de la vraie valeur de leurs œuvres. Dieu dit:
Et dis: "œuvrez, car Dieu va voir votre œuvre, de même que Son messager et les croyants, et vous serez ramenés vers Celui qui connaît bien l'invisible et le visible. Alors Il vous informera de ce que vous faisiez". (9:105)
Les bons musulmans abandonnent l'insouciance et l'indifférence, font leur travail correctement, mettent tous leurs efforts en œuvre dans tout ce qu'ils font, et sont sérieux et sûrs dans toutes leurs affaires et leurs transactions. La désinvolture et la frivolité nuisent à notre fiabilité et réduisent notre dignité.
Bukhari et Muslim rapportent que le Messager de Dieu a dit: «La patience doit se manifester au premier choc.»[21] Dans les premiers temps de sa mission, le Messager de Dieu interdisait de se rendre au cimetière pour visiter ses proches défunts parce que les gens pratiquaient encore de mauvaises coutumes non islamiques. Mais quand celles-ci furent enfin éradiquées, il encouragea ses Compagnons à visiter les tombes, ce qu'il faisait lui-même, car cela incite les gens à améliorer leur comportement et à œuvrer pour la vie future.
Lors d'une visite au cimetière de Médine, le Messager de Dieu aperçut une femme qui pleurait amèrement et se plaignait du destin. Quand il chercha à la consoler, la femme, qui ne l'avait pas reconnu, se mit en colère et lui dit de s'en aller en ajoutant: «Tu ne sais rien des malheurs que me sont arrivés!» Plus tard, quand elle apprit que c'était le Prophète, elle s'empressa de le trouver et arriva chez lui pour lui demander pardon. Le Messager de Dieu lui dit: «La patience doit se manifester au premier choc.» La patience est la clé du succès; c'est accepter les peines, les problèmes, les malheurs et tout autre fait désagréable, sans se plaindre ni perdre son sang-froid, sa confiance ou sa croyance en Dieu et au destin. Parfois, on peut réussir à être patient dans des circonstances difficiles en changeant son attitude, son lieu, ses préoccupations ou les conditions immédiates. Faire ses ablutions rituelles (wudhu') ou prier peuvent aussi nous aider dans ces moments de grandes douleurs.
Il existe plusieurs sortes de patience:
- La détermination à s'abstenir de commettre des péchés, qui nous élève au rang de ceux qui craignent Dieu et qui jouissent de son attention particulière.
- L'adoration régulière et sans relâche de Dieu, qui conduit au rang de ceux qui sont les bien-aimés de Dieu.
- L'acceptation des malheurs sans aucune plainte, qui nous inclut parmi les gens doués de patience et ceux qui s'en remettent totalement à Dieu.
- Venir à bout de l'exaspération; ce qui signifie avoir une compréhension réaliste de ce qui est requis pour parvenir à un résultat donné. Par exemple, pour produire un pain, il faut cultiver un champs, faire la récolte, emmener les grains au moulin, faire la pâte, la mettre en forme et l'enfourner. Si, par impatience ou négligence, on ne suit pas exactement cette procédure et si l'on néglige l'ordre des étapes, le pain ne pourra pas être produit.
Bukhari, Muslim et Ahmad ibn Hanbal rapportent que le Messager de Dieu a dit: «La main haute est meilleure que la main basse.»[22] Dans un autre hadith, le Messager explique que la main haute donne aux pauvres et aux nécessiteux, tandis que la main basse prend des gens. Donc, en plus de rappeler les mérites de la charité, ce hadith encourage les gens à travailler et à gagner leur vie.
Un point subtil: le Messager de Dieu n'a pas dit celui qui donne et celui qui reçoit, mais plutôt la main haute et la main basse. C'est donc l'acte, et non pas la personne, qui est préférable. Par conséquent, il se peut que la personne qui reçoit soit meilleure que celle qui donne.
Par exemple, certains serviteurs de Dieu, comme Bara' ibn Malik, semblent être très bas (du point de vue matériel), mais sont si aimés de Dieu que tout ce qu'ils prédisent en jurant par Dieu se réalise. De telles personnes ne demandent rien aux gens et sont extraordinairement indépendantes. Le Messager de Dieu conseilla à Thawban de ne pas mendier. Suite à cela, il n'osait même plus demander à qui que ce soit de ramasser la cravache qu'il faisait tomber pendant qu'il était à dos de chameau. Donc, quand des croyants d'une telle qualité, apparemment «pauvres», reçoivent des autres, on ne peut pas dire qu'ils soient inférieurs à ceux qui leur donnent.
L'islam n'approuve pas la mendicité, que ce soit au niveau individuel ou national. Rappelons que l'honneur, la dignité et la supériorité appartiennent toujours à Dieu, à Son Messager et aux croyants. Par conséquent, les musulmans ne doivent pas se mettre sous l'autorité ou le contrôle des incroyants, car cela ébranle leur dignité et leur supériorité.
Imam Muslim rapporte du Messager de Dieu: «Au Jour Dernier, Dieu ne parlera pas, ne s'intéressera pas et ne purifiera pas trois catégories de personnes. Un châtiment douloureux les attend. Ce sont ceux qui «traînent leurs robes», qui rappellent aux gens le bien qu'ils leur ont fait et qui essaient de vendre leurs biens par de faux serments.»[23]
Le hadith commence par thalathatun (trois), signifiant n'importe quel «trois», non-spécifiés, qui ne méritent pas d'être nommés. Autrement dit, on peut les rencontrer n'importe où, et leurs actions et eux-mêmes sont si méprisables que les musulmans doivent les éviter. Dieu ignorera de tels individus dans l'autre monde. C'est un châtiment très dur, car comme il est dit dans la sourate Surat ar-Rahman, la parole est la plus grande et la plus essentielle des faveurs de Dieu à l'humanité. En outre, le Jour du Jugement, nous auront absolument besoin de parler afin de pouvoir nous justifier. Toutefois, il sera dit à ces gens: Soyez-y refoulés (humiliés) et ne Me parlez plus. (23:108)
Ce jour-là, tout le monde sera préoccupé par ses propres soucis, et il n'y aura d'autre refuge que Dieu Tout-Puissant. Chacun voudra obtenir un peu d'attention spéciale de la part de Dieu, espérant qu'Il les considèrera avec miséricorde et les purifiera. Mais les trois groupes d'individus en question n'auront aucun espoir d'être purifiés ou pardonnés, car Dieu Tout-Puissant ne les reconnaîtra pas.
Dans le hadith, leur châtiment est annoncé avant même que leurs péchés ne soient identifiés. C'est de cette manière que le Messager de Dieu insiste sur la gravité de leurs péchés et préviens tout le monde pour qu'ils s'en abstiennent. Le premier et le plus grave de ces péchés est de «traîner ses robes», une expression arabe employée pour l'arrogance.
L'arrogance signifie rivaliser avec Dieu pour diriger la terre. Les êtres humains, malgré leur immense faiblesse, pauvreté et impuissance, sont néanmoins émerveillés par eux-mêmes. Ils considèrent leurs aptitudes, leurs talents, leur position, leurs richesses, leurs prétendus succès et ainsi de suite, comme des sujets de fierté. Bien qu'ils soient créés d'une vulgaire «goutte d'eau» et qu'ils soient incapables de choisir leur lieu et date de naissance, leur famille, leur couleur et leur race, leur fierté s'accroît en dépit de leur incapacité à pourvoir à leurs besoins physiques.
Par exemple, ils ne peuvent surmonter leur faim, soif ou sommeil. La seule raison pour laquelle les êtres humains survivent est que Dieu les a dotés de divers talents et facultés. Mais les gens ignorent ce fait, ils s'attribuent leurs talents et rivalisent avec Dieu. Une telle arrogance finit par les aveugler et les empêcher de voir les innombrables signes de l'existence, l'unité et la souveraineté absolue de Dieu. Selon les termes du Coran:
J'écarterai de Mes signes ceux qui, sans raison, s'enflent d'orgueil sur terre. Même s'ils voyaient tous les miracles, ils n'y croiraient pas. Et s'ils voient le bon sentier, ils ne le prennent pas comme sentier. Mais s'ils voient le sentier de l'erreur, ils le prennent comme sentier. C'est qu'en vérité ils traitent de mensonges Nos preuves et ils ne leur accordaient aucune attention. (7:146)
Le deuxième grave péché est celui de rappeler le bien qu'on a fait aux gens. Ceci est étroitement lié à l'arrogance, car ceux qui considèrent ce que Dieu leur a accordé comme leurs propres acquis et talents tendent à commettre aussi ce péché. Mais ceux qui regardent chaque chose comme un présent de Dieu comprennent qu'ils ne peuvent aider les autres que si Dieu le leur permet. Par suite, ceux qui font une faveur doivent se sentir redevables vis-à-vis de ceux qu'ils aident, car de telles actions leur permettent de recevoir une récompense spirituelle. Ce hadith encourage les gens à l'altruisme et à la générosité désintéressée. Le Messager de Dieu dit à ce propos:
Le généreux est proche de Dieu, du Paradis, et des gens, et est éloigné de l'Enfer. L'avare, par contre, est éloigné de Dieu, du Paradis, et des gens, mais est proche de l'Enfer.[24]
Le dernier grave péché est la tromperie dans le commerce. Selon les lois de l'islam, les marchands doivent divulguer tous les défauts de leurs marchandises. Il est aussi interdit de jurer au nom de Dieu, surtout lors des transactions. Si les commerçants essaient de vendre leurs biens grâce à des mensonges et des faux serments, ou en incitant à l'achat en jurant par Dieu, ils commettent alors un grave péché qui mérite une punition sévère. Ce péché est lié de près aux deux premiers, car il provient souvent de l'avarice et de la non reconnaissance de Dieu. En plus d'être en relation avec l'incroyance en Dieu et la méfiance envers Lui, ces trois péchés empoisonnent la vie de la société et indiquent une faiblesse de caractère; d'où la sévérité du châtiment.
Imam Bukhari rapporte dans son Sahih que le Messager de Dieu a dit: «Quiconque me garantit ce qui est entre ses lèvres et ce qui est entre ses jambes, je lui garantis le Paradis.»[25] Puisque la parole est l'une des plus grandes faveurs que Dieu nous ait faites, nous ne devons utiliser notre langue que pour le bien et les actes utiles, comme réciter le Coran, prier, dire la vérité, enjoindre le bien et interdire le mal. Il nous faut être modeste et poli dans notre façon de parler, et ne pas prononcer de mensonges, de jurons, de calomnies, de commérages, etc. Les mots doivent être choisis avec précaution car, comme le dit Ali: «Ta parole dépend de toi jusqu'à ce que tu la prononces; mais une fois prononcée, c'est toi qui dépends d'elle.»
La maîtrise de ses désirs sexuels est très importante pour atteindre la perfection humaine et mériter le Paradis. Dieu nous a dotés de nombreuses facultés et pulsions de sorte que nous puissions évoluer spirituellement en les refrénant et en les canalisant vers des vertus et des bonnes actions, et ainsi accéder à de hauts rangs spirituels. En luttant pour satisfaire nos désirs uniquement de façon licite, nous pouvons atteindre le rang de la sainteté et gagner une supériorité sur les anges. Les anges n'ayant pas de désirs charnels et ne pouvant donc pas lutter contre la tentation, ils ne peuvent pas non plus évoluer spirituellement. Cependant, à cause de notre dualité essentielle, nous oscillons entre le niveau le plus bas (où nous sommes plus misérables que Satan) et le niveau le plus haut (où nous surpassons les anges).
Puisque l'islam interdit ou bloque le passage à tout ce qui conduit aux actes illicites, l'on doit s'abstenir d'exhiber ses charmes et sa beauté, de contempler le sexe opposé et de rester en tête-à-tête avec un membre du sexe opposé dans des lieus privés qui incitent aux relations sexuelles illicites. Comme pour tenir sa langue, cela requiert beaucoup de volonté, de l'autodiscipline et une lutte continuelle. Même si au premier abord tout cela peut paraître trop difficile, cela engendrera un grand plaisir spirituel, car le plaisir du travail et de l'effort résident dans le travail et l'effort eux-mêmes. Ceux qui réussiront mériteront le Paradis.
Muslim rapporte que le Messager de Dieu a dit:
«Ecoutez! Devrais-je vous guider vers les choses par lesquelles Dieu efface les péchés et élève à de hauts rangs?» Quand les Compagnons lui demandèrent de le leur dire, il reprit: «Faites vos ablutions rituelles aussi correctement que possible, même dans les conditions les plus difficiles; pour chaque prière, allez à la mosquée en marchant; et attendez la prière suivante après avoir prié. Ceci est le ribat, ceci est le ribat (préparation, dévouement).»[26]
Le hadith commence par Ecoutez! pour marquer l'importance de ce qui va suivre. Dans ce cas, il s'agit des cinq prières quotidiennes. La prière prescrite est un pilier de l'islam. Sans elle, l'islam ne peut pas être maintenu. Quand les croyants prient correctement, ils sont protégés des mauvaises actions et pensées. C'est une échelle sacrée pour s'élever à la Présence de Dieu. Mais avant que nous puissions la gravir, nous devons accomplir l'ablution (wudu') aussi parfaitement que possible. Dès le premier pas fait pour prendre l'ablution, le croyant commence déjà à gagner des récompenses. Pendant qu'il fait ses ablutions, il est soulagé du stress de la vie quotidienne et est purifié de ses péchés. Si le wudu' est accompli dans des circonstances difficiles, le croyant n'en est que davantage récompensé.
L'appel à la prière (adhan) est à la fois un appel aux croyants pour entrer à la Présence de Dieu et un appel à la prospérité dans les deux mondes. Le wudu' est la préparation que le croyant doit faire pour pouvoir se présenter à Dieu. En accomplissant la prière surérogatoire (sounna) avant la prière prescrite (fardh), le croyant achève ses préparatifs et reçoit la permission de l'aide de camps de Dieu: le Prophète Mohammed. Quand le muezzin (celui qui appelle à la prière) récite l'iqama (l'annonce du départ de la prière), le croyant entre en Sa Présence dans un respect et une vénération absolus, s'entretient avec l'Unique Maître de l'univers, et L'implore pour ses besoins et ses souhaits.
Le croyant qui prie cinq fois par jour voit ses péchés s'effacer et sa capacité à commettre des péchés se transformer en «graines d'arbres bénis de bien et de vertu». Il y a toutefois une condition: la prière doit être accomplie avec une sincérité absolue, l'intention pure de gagner uniquement l'agrément de Dieu et la conscience d'être en la Présence du Créateur et du Maître de l'univers, le Tout-Puissant, le Tout-Voyant, le Tout-Entendant et le Tout-Dominant.
Le Messager de Dieu décrit la prière prescrite comme la ribat, ce qui peut être traduit par «le dévouement pour quelque chose» ou encore «la garde de la frontière». Cela est mentionné dans le Coran: Ô les croyants! Soyez endurants. Incitez-vous à l'endurance. Luttez constamment (soyez préparés et alertes contre l'ennemi) et craignez Dieu, afin que vous réussissiez! (3:200) et: Et préparez [pour lutter] contre eux tout ce que vous pouvez comme force et comme cavalerie équipée (et dévouée) (8:60).
Ribat signifie être préparé et alerte dans le premier verset, et dévoué dans le second. En décrivant la prière avec ce terme, le Messager de Dieu insiste sur la valeur et l'importance de la lutte dans le sentier de Dieu ainsi que sur la primauté des prières prescrites en islam et dans la vie du croyant. Dans un autre hadith, il appelle ce premier le petit djihad et ce dernier le grand djihad. Pour réussir ce premier, le croyant doit être très attentif à ce dernier.
En décrivant la prière prescrite comme ribat, le Messager de Dieu souligne aussi que le musulman doit consacrer sa vie à l'adoration de Dieu et organiser ses activités quotidiennes autour des cinq prières prescrites. Il doit s'assurer qu'il peut prier quand l'heure arrive et qu'il peut faire cela avec une concentration totale. Après chaque prière, il doit demeurer dans l'attente de la prière suivante. Celui qui prie de cette façon sera purifié de tous péchés, et qui plus est, sera protégé du fait de commettre d'autres péchés. C'est alors qu'il vivra quelque chose comme le mi'raj (ascension à la Présence Divine), comme le précise un autre hadith.
Bukhari rapporte que le Messager de Dieu a dit: «Dieu dit: 'J'ai préparé pour mes fidèles serviteurs des choses telles qu'ils n'en ont jamais vu, entendu ou imaginé'.»[27] Le Paradis est un lieu de surprises. Le Coran nous parle de ses faveurs en utilisant des mots qui nous sont familiers afin que nous puissions nous en faire une idée. Mais comme le rappelle Ibn 'Abbas: Or c'est quelque chose de semblable (seulement dans la forme) [qui leur sera servi] (2:25), ce qui signifie que ces faveurs sont spécifiques au Paradis par leur goût et leur nature, mais que leur apparence est similaire à celles que nous connaissons sur terre. Les croyants seront récompensés au Paradis avec des grâces toujours renouvelées et, par-dessus tout, ils pourront contempler Dieu sans aucune dimension qualitative ou quantitative. Un seul instant de cette contemplation surpassera, en plaisir et en grâce, des milliers d'années au Paradis. Mais la plus grande des faveurs au Paradis est que Dieu sera pour toujours satisfait des croyants.
Pour mériter le Paradis, nous devons être justes, droits dans toutes nos actions et tout faire aussi parfaitement que possible. Le croyant juste ne ment pas et trompe pas, il est parfaitement fiable. Dieu est certain qu'il accomplira ses obligations religieuses aussi scrupuleusement que se peut et qu'il respectera Ses interdictions. Toutes les autres créatures sont sures qu'un tel croyant ne leur fera aucun mal. Ces croyants font tout en ayant pleinement conscience que Dieu Tout-Puissant les surveille. Parce qu'ils ont gagné l'agrément de leur Seigneur, ils sont comptés parmi ceux qu'Il appelle Mes fidèles serviteurs; c'est-à-dire qu'ils sont aimés de Dieu et qu'en conséquence: «Il est leurs yeux avec lesquels ils voient, leurs oreilles avec lesquelles ils entendent, leurs mains avec lesquelles ils tiennent, et leurs pieds avec lesquels ils marchent.»
Dieu multiplie les bonnes actions de Ses serviteurs et donne, dans certaines circonstances, des millions de récompenses pour chacune de ces actions. C'est pourquoi les croyants trouveront au Paradis des grâces telles qu'ils n'auraient jamais pu imaginer sur terre.
Dans un hadith rapporté par Sahih al-Bukhari et Muslim, le Messager de Dieu dit: «Le Feu est voilé par les passions et les plaisirs, et le Paradis par les difficultés»[28] Le Paradis et l'Enfer sont, en essence, des grâces pour l'humanité. La peur de l'Enfer nous pousse à nous abstenir des interdictions divines afin que nous puissions aller au Paradis. Cependant, être sauvé de l'Enfer et en venir à mériter le Paradis requièrent une grande autodiscipline et une formation intellectuelle et spirituelle très stricte.
Le Coran dit que les gens sont tentés par l'amour des choses qu'ils désirent: femmes, enfants, trésors thésaurisés d'or et d'argent, chevaux marqués, bétail et champs (3:14). Les gens ont un attachement naturel à la vie et à ses plaisirs. L'Enfer est une demeure de supplice située dans un décor attirant et séduisant avec ses leurres et ses plaisirs. Si nous sommes pris par le charme et ne vivons que pour satisfaire nos désirs, nous serons trompés et entraînés vers l'Enfer. Il nous est très facile de parvenir à une telle destination, car le chemin de l'Enfer passe par toutes sortes d'attraits terrestres.
Pour atteindre le Paradis, nous devons d'abord nous entraîner à ignorer les attraits de ce monde. L'Enfer est sur le chemin du Paradis, car nous devons passer par là sans nous laissés séduire par ses attraits. Cela requiert de l'autodiscipline et une lutte continue contre la tentation et les désirs du moi charnel. Chaque fois que nous sommes invités à jouir des luxes de ce monde comme la célébrité, la richesse et le statut, nous devons nous restreindre aux limites posées par les commandements divins. Nous devons continuer à prier, jeûner, donner l'aumône et, si possible, faire le pèlerinage à la Ka'ba. Nous devons aussi être constamment justes, honnêtes, véridiques, bons envers les pauvres, les nécessiteux et les orphelins, et enjoindre le bien et interdire le mal. Aussi devons-nous nous abstenir de la tromperie, l'usure, les jeux de hasard, l'alcool, la médisance, l'hypocrisie et toutes formes d'injustice. Nous devons nous attendre à être éprouvés: car Dieu nous éprouvera par des malheurs et par un peu de peu et de faim, et de perte de biens ou de personnes ou de fruits du labeur. (2:155) Pour atteindre le Paradis, nous devons persévérer, endurer l'affliction, accomplir ce qui est obligatoire, s'abstenir de commettre des péchés, et remercier Dieu pour Ses faveurs et Ses grâces. De tels actes vertueux sont haïs par notre moi charnel.
Imam Tirmidhi rapporte que le Messager de Dieu a dit:
Je vous conseille de craindre pieusement Dieu et d'obéir, même si un esclave noir devient votre leader. Ceux parmi vous qui vivront assez longtemps verront une grande controverse, alors adhérez à ma Sounna et à la Sounna des califes bien guidés. Accrochez-vous à eux fermement. Prenez garde aux choses inventées dans la religion, car chaque chose inventée est une innovation. Chaque innovation est un égarement et chaque égarement est le Feu de l'Enfer.[29]
Le mot arabe traduit ici par «craindre pieusement Dieu» est taqwa, qui dérive de wiqaya (protection). Taqwa signifie être sous la protection ou la garde de Dieu. Cela a deux aspects. Le premier est que les croyants craignent Dieu et Lui obéissent en observant Ses commandements et Ses interdictions. Le second est que, en étudiant la nature et la vie et en découvrant les lois divines qui les gouverne, les gens acquièrent un savoir scientifique et ordonnent leurs vies. La science ne peut être établie si les êtres humains ne découvrent pas ces lois.
Pour être sous la garde et la protection de Dieu, la vraie religion et la science doivent s'unir car elles sont deux expressions d'une même vérité. Selon les savants et les sages musulmans, l'univers est «le Coran Créé» où les lois de Dieu provenant de Ses Attributs de Volonté et de Pouvoir, ainsi que du Destin, sont en action. Le Coran, cette collection de lois divines venant de l'Attribut Divin de Parole, est «l'univers rédigé» ou «l'univers en mots».
Le second point est que les croyants ne doivent pas désobéir à leur gouvernement sans raison valable. Sans leader, une communauté est comme un chapelet cassé dont les grains se sont éparpillés. Une telle situation de conflit social et politique résulte souvent en anarchie et en destruction. Le hadith relève aussi une vérité que même les démocraties modernes ont été incapables de saisir: pas de discrimination raciale. Il est dit clairement qu'un esclave noir affranchi peut très bien devenir le chef de la communauté musulmane. Cela n'est pas resté une simple affirmation théorique et s'est confirmé dans la pratique à travers la multitude de grands gouverneurs, saints et savants de couleur noire qui furent respectés et obéis.
Ici, le Messager de Dieu attire aussi l'attention sur sa Sounna. Comme il est le meilleur modèle dans tous les aspects de la vie, les croyants doivent suivre son exemple jusqu'au Jour Dernier. Une telle adhésion garantit la préservation de la pureté originelle de l'islam. Tout écart résultera en des divisions sociales et doctrinales et en de nouvelles importations à l'islam, la religion parachevée par Dieu. L'adhésion à la voie des quatre premiers califes assure aussi l'unité des musulmans et le maintien de l'islam.
Ce hadith contient aussi la prédiction que ses quatre premiers successeurs politiques seraient bien guidés et que toute désobéissance à ces califes provoquerait des scissions internes. L'histoire islamique confirme la réalisation de cette prédiction. Il suffit de regarder les soulèvements qui eurent lieu pendant les califats de Othman et Ali.
Bukhari et Muslim rapportent que le Messager de Dieu a dit: «Les croyants ne se font pas mordre deux fois d'un même trou.»[30] Les croyants sont clairvoyants, perspicaces et intelligents, car ils se distinguent par leur raisonnement sain et leur pénétration spirituelle. La communauté musulmane a - et devrait avoir - la même pénétration et doit toujours être consciente des problèmes et des dangers potentiels. Ils peuvent se tromper une fois, mais la perspicacité et la conscience que leur procure la foi doit les empêcher de se tromper deux fois. Ce hadith contient un avertissement important pour les musulmans d'aujourd'hui, qui ont été dupés depuis des siècles par l'Occident et par les hypocrites de l'Orient. Il est grand temps que les musulmans reprennent le contrôle de leurs affaires et revoient la qualité de leur foi.
Un hadith rapporté par Bukhari et Muslim appelle les éducateurs à réévaluer leurs méthodes: «Les êtres humains sont comme des minerais d'or et d'argent. Ceux qui sont prometteurs et qui ont de hautes positions pendant qu'ils sont incroyants s'avèrent meilleurs que les autres (en vertu) dès qu'ils acceptent l'islam et qu'ils acquièrent une bonne compréhension de cette religion.»[31] Ce hadith est très significatif, surtout en ce qui concerne l'éducation et l'appel à une cause, choses qui exigent clairvoyance et perspicacité. Le Prophète a dit: Voici ma voie: j'appelle les gens [à la religion] de Dieu, moi et ceux qui me suivent, nous basant sur une preuve évidente. Gloire à Dieu! Et je ne suis point du nombre des associateurs. (12:108)
La clairvoyance implique de connaître le caractère, les aptitudes et les défauts de chaque individu. Les êtres humains ne sont pas semblables en caractère, capacités, ambition et goûts. Par exemple, on peut dire qu'ils «contiennent du charbon, du cuivre, de l'argent, de l'or ou des diamants». La première étape pour donner une bonne éducation est de découvrir le potentiel de l'individu et de savoir le développer. De même que vous ne pouvez pas obtenir d'or à partir d'une mine de charbon, de même vous ne pourrez pas transformer des personnes en «cuivre» en des personnes en «or». Inversement, si vous essayez d'extraire du cuivre en utilisant la méthode d'extraction de l'or, vos efforts ne porteront pas leurs fruits.
Remarquons aussi que ceux qui ont un grand potentiel finissent toujours par se distinguer. Par exemple, de hauts opposants à l'islam comme Omar se convertirent finalement à l'islam et devinrent des figures de proue de la communauté musulmane. Cela montre que leur potentiel en vertu a été raffiné et entièrement développé dans le creuset de l'islam.
Dans un autre hadith, le Messager de Dieu dit: «Certes, Dieu accorde un délai au malfaiteur, à l'oppresseur. Mais une fois qu'Il les saisit, Il les anéantit.»[32] Puis il récita: Telle est la rigueur de la prise de ton Seigneur quand Il frappe les cités lorsqu'elles sont injustes. Son châtiment est bien douloureux et bien dur. (11:102)
Dieu donne un répit aux malfaiteurs afin qu'ils se repentent et qu'ils corrigent leur conduite. S'ils ne profitent pas de cette opportunité, Il les punira sévèrement.
Dieu utilise parfois les malfaiteurs comme une «épée divine» pour punir les transgresseurs. Les musulmans sont souvent la cible des puissances malfaitrices quand ils s'écartent de l'islam et abandonnent les Commandements Divins. Cela arrive quand Dieu souhaite les punir en ce monde avant le Jour du Jugement.
Par exemple, suite à la division des musulmans en plusieurs factions concurrentes neuf siècles auparavant, ils furent exposés à l'invasion des Mongols et à leurs massacres. Plus tard, ils goûtèrent l'amère défaite et l'assujettissement pendant et après la Première Guerre Mondiale. Ce fut parce qu'ils ne pratiquaient plus l'islam dans leurs vies et parce qu'ils s'étaient rendus intellectuellement, spirituellement et matériellement aux tendances non islamiques venant de l'Occident.
Toutefois, chaque malheur s'abattant sur les musulmans est, parce qu'il résulte du péché, une occasion et un moyen d'auto-purification et de pardon divin; le début d'un nouveau et plus splendide réveil. Ainsi le futur proche sera-t-il témoin de l'effondrement de la tyrannie, si Dieu le veut, et d'une magnifique renaissance de l'islam et du monde musulman.
Selon une Tradition authentique, le Messager de Dieu a dit:
Dieu mettra sous Son ombre sept (groupes de) personnes le Jour où il n'y aura d'ombre que la Sienne: les chefs équitables; les jeunes qui auront grandi dans l'adoration de Dieu Le Glorifié; ceux qui sont très attachés aux mosquées; deux êtres qui se sont aimés en Dieu, se sont réunis en Lui et se sont séparés en Lui; les hommes qui déclinent les invitations des belles femmes de haut rang en disant: «Je crains Dieu»; ceux qui dépensent sur le chemin de Dieu si secrètement que leur main gauche n'a pas su ce que leur main droite a donné en aumône; et ceux dont les yeux se remplissent de larmes quand ils sont seuls et qu'ils évoquent le nom de Dieu.[33]
Les gens seront trempés jusqu'au cou par la sueur à cause de la chaleur du Jour du Jugement. Ceux qui désirent Son ombre doivent s'évertuer pour l'obtenir en suivant les consignes de ce hadith.
La justice est le fondement de la vie sociale, et le dirigeant juste est une chose rare. Les jeunes qui maîtrisent leurs désirs charnels et qui se vouent au culte de Dieu sont effectivement bénis et saints. Ordonner sa vie selon les prières quotidiennes est une vertu louable qui plaît à Dieu Tout-Puissant. Une autre qualité importante, surtout dans ce monde d'individualisme et d'égoïsme, est de s'aimer les uns les autres pour l'amour de Dieu et de regarder la terre comme un «berceau de fraternité». La chasteté requiert l'autodiscipline et est si méritoire qu'elle élève ceux qui la pratiquent aux plus hauts rangs. La charité faite dans le secret, uniquement pour l'amour de Dieu, est presque autant encouragée en islam que la croyance et les prières prescrites. La méditation et l'autodiscipline, accompagnées par la conscience d'être en Présence de Dieu, empêchent les gens de pécher et les rendent dignes du Paradis.
Dieu est Bienveillant et accorde Ses faveurs à tout le monde. Tout ce que les gens possèdent leur vient de Dieu. Cependant, Il octroya à chaque Prophète et communauté des faveurs particulières aux circonstances de leurs époques. Par exemple, Adam fut gratifié de la connaissance des noms (les clés de toutes les branches du savoir); Noé fut doté de fermeté et de persévérance; Abraham fut honoré par l'amitié intime de Dieu et par la paternité de nombreux Prophètes; Moïse reçut la capacité à administrer et fut exalté par la parole directe de Dieu; et Jésus fut distingué par la patience, la tolérance et la compassion. Tous les Prophètes ont une part de ces louables qualités, mais chacun, en raison de sa mission, surpasse les autres dans une ou plusieurs de ces qualités.
Le Prophète Mohammed possède toutes les qualités susmentionnées, sauf le fait d'être père de Prophètes. Dû à la nature universelle de sa mission, il est de plus distingué par les cinq faveurs suivantes. Comme le rapporte Bukhari, le Prophète a dit:
J'ai reçu cinq faveurs que personne n'a eues avant moi: Dieu m'aide en inspirant la crainte dans le cœur de mes ennemis à une distance d'un mois de marche. Il a fait de la terre un lieu d'adoration et un moyen de purification rituelle pour moi; ainsi, tout homme de ma nation peut faire sa prière où il le souhaite dès qu'il est l'heure de prier. Le butin de guerre m'a été rendu licite, alors qu'il était illicite à tous les autres avant moi. Le privilège de l'intercession (auprès de Dieu en faveur des croyants) m'a été accordé. Enfin, tandis que tous les Prophètes avant moi avaient été envoyés exclusivement à leur propre peuple, j'ai été envoyé à tout le monde.[34]
Il est possible de déduire les choses suivantes à partir de ce hadith:
- La Prophétie est une faveur divine accordée par Dieu à qui Il veut.
- Les cinq choses mentionnées sont exclusives à la communauté musulmane.
- Inspirer la crainte chez l'ennemi depuis de longues distances, conserver une entière sincérité et se dévouer à la cause de Dieu, comme cela se faisait durant l'Âge de la Félicité quand le Prophète et ses vrais successeurs régnaient sur les musulmans.
- Parce que l'islam ne reconnaît aucun intermédiaire entre Dieu et les hommes, il n'existe ni église ni clergé organisé et régulier. Bien que certains saints puissent être autorisés à intercéder en faveur de certains musulmans le Jour du Jugement, le Messager de Dieu jouira du droit intégral d'intercéder en faveur de tous les croyants.
- Le butin de guerre, qui fut prohibé à toutes les communautés antérieures à titre d'épreuve, fut permis aux musulmans car ils doivent lutter sur le chemin de Dieu jusqu'au Jour Dernier et transmettre le Message à travers le monde entier.
- Tandis que la mission des Prophètes précédents se restreignait à un peuple et à une époque donnés, le Messager de Dieu fut envoyé comme une miséricorde pour tous les mondes.
[1] Qadi Iyad, Shifa', 1:67
[2] Ibn Hanbal, 3:425; Ibn Hisham, Sira, 1:209
[3] Ibn Hajar, Al-Isaba, 1:337
[4] 'Ajluni, Kashf al-Khafa', 1:147
[5]Ibn Hanbal, 4:65; 5:64
[6]Bukhari, "Manaqib al-Ansar," 1:2; Muslim, "Zakat," 132-41
[7] Hindi, Kanz al-'Ummal, 11:412
[8]Ibid., 11:425
[9]Tirmidhi, "Qiyama," 59
[10]Tirmidhi, "Zuhd," 25
[11]Bukhari, "Adab," 69; Muslim, "Birr," 105; Abu Dawud, "Adab," 80
[12]Bukhari, "Adab," 96; Muslim, "Birr," 165
[13] Bukhari, "Hudud," 4:5
[14]Tirmidhi, "Birr," 55; Ibn Hanbal, 5:153
[15] Hindi, Kanz al-'Ummal, 6:89
[16]Bukhari, "Bad'u al-Wahy," 1; Muslim, "'Imara," 155; Abu Dawud, "Talaq," 11
[17] Dahabi, Majma' az-Zawa'id, 1:61, 109
[18] Bukhari, "Iman," 4
[19] Tirmidhi, "Zuhd," 11; Ibn Maja, "Fitan," 12
[20]Bukhari, "Iman," 37; Muslim, "Iman," 1
[21] Bukhari, "Jana'iz," 43; Muslim, "Jana'iz," 14, 15
[22]Bukhari, "Wasaya," 9; "Zakat," 18; Muslim, "Zakat," 94; Ibn Hanbal, 2:4
[23]Muslim, "Iman," 171-4; Suyuti, Al-Fath al-Kabir, 2:57
[24] Tirmidhi, "Birr," 40
[25]Bukhari, "Riqaq," 23
[26]Muslim, "Tahara," 41; Tirmidhi, "Tahara," 39
[27]Bukhari, "Tawhid," 35
[28]Bukhari, "Riqaq," 28; Muslim, "Janna," 1
[29] Tirmidhi, "'Ilm," 16; for different versions, see, Ibn Maja, "Muqad-dima," 6
[30] Bukhari, "Adab," 83; Muslim, "Zuhd," 63
[31]Bukhari, "Manaqib," 1; Muslim, "Birr," 160; Ibn Hanbal, 2:539
[32]Bukhari, "Tafsir," 5; Muslim, "Birr," 61
[33]Bukhari, "Adhan," 36; Muslim, "Zakat," 91; Tirmidhi, "Zuhd," 53
[34]Bukhari, "Tayammum," 1; "Salat," 56
- Créé le .