Le mouvement Gülen est-il un ordre religieux?

Les dynamiques fondamentales du mouvement Gülen sont semblables en de nombreux aspects à celles des ordres islamiques classiques. Cependant il se différencie de l'organisation des ordres religieux dans sa façon de créer des initiatives civiles et de cultiver les gens.

Le concept d' « ascétisme matériel » que Max Weber a développé dans ses analyses du protestantisme et des religions asiatiques peut aider à analyser le mouvement Gülen jusqu'à un certain point, mais cela reste un mouvement organisé par des dynamiques issues de la société civile. La modestie, l'abnégation, l'altruisme, un esprit de dévouement, être avec le Seigneur même lorsqu'on est avec les gens, vivre pour le bien d'autrui, servir sans rien attendre en retour, et la profondeur de l'esprit et du coeur sans attendre de récompense pour ses intentions ou ses actes – tous ces concepts qui sont présents dans la culture soufie font aussi partie des dynamiques intellectuelles et actives du mouvement. Mais ces concepts ne sont pas adressés au monde intérieur personnel de l'homme, comme ils le sont dans les ordres religieux. L'effort est plutôt dirigé vers l'extérieur, vers le social. À cet égard, le fait d'être conscient de la profondeur religieuse et d'être un sujet sous l'observance Divine contient des objectifs plus universels et plus sociaux. Weber observe cela à travers son concept de la « rationalisation des relations religieuses et sociales ». Et pourtant, même ces termes ne peuvent appréhender entièrement la dynamique rationnelle et sociale du mouvement Gülen.

Les ordres religieux s'adressent à ce qui est personnel et privé. Cela rend l'individu indifférent face au monde et le conduit à des expériences et des épreuves individuelles et spirituelles. Même s'il ne doit pas être complètement coupé de la vie sociale, l'ordre religieux doit persévérer dans la discipline la plus rigide, ne laissant aucun espace à de nouvelles ouvertures. D'une certaine manière, le mouvement Gülen suit plus la ligne de Roumi, de Yunus et de Yesevi que celle d'un ordre religieux, et il porte un contenu social plus large. Dans les faits, il est plus une version contemporaine de ces mouvements. Ici le « sentiment religieux » et l'« action sociale » sont en parfaite harmonie. De même que les souffrances rendent une personne plus mature, elles le font participer aux objectifs communs dans le sens social. La compréhension du service selon Gülen exige un esprit de dévouement sincère. Cela correspond à la définition ascétique de Weber, et pourtant c'est une dynamique plus large et avec une plus grande continuité.

La religiosité ordinaire ne peut pas endosser un tel sacrifice de soi, car les limites d'une telle religiosité sont bien connues. La prière quotidienne, le jeûne, l'aumône, le pèlerinage, tout cela a des limites et une mesure particulière. Mais la définition du « service » selon Gülen est une situation plus large et elle présente une continuité. Elle ne s'accroche pas seulement à une base religieuse, mais aussi à des valeurs nationales, humaines, morales et universelles. Elle présente une attitude rationnelle envers les valeurs de base de l'État et de la nation et les relations sociales. Quand on parle d'un « homme du service », on veut dire une personne au coeur tendre qui peut embrasser une large perspective, le sacrifice de soi et le dévouement. Et cela nécessite un amour supérieur pour la religion, la nation et l'humanité. C'est pourquoi les gens qui font partie du mouvement Gülen s'engagent totalement en embrassant cet amour supérieur.

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